Dis, monsieur, c'est quoi, ce truc moche qui tourne en haut à gauche ?

Ah, ce truc-là ?

C'est beau, non ? Moi, ça me fait rêver...

Monsieur Félix Wankel, un ingénieur quelconque, en regardant un moteur à explosion, y voyait d'énormes pertes d'énergie. En effet, dans un moteur classique, on a un piston qui monte et descend et remonte et redescend indéfiniment. Enfi, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'essence. Or, comme vous le diront tous les physiciens, accélérer, puis ralentir, puis accélérer, puis ralentir, ça consomme de l'énergie.

Monsieur Wankel se mit donc à la recherche d'un système qui permettrait de faire tourner un axe (un moteur, donc) sans avoir de mouvement alternatif. C'est le principe de base de ce que l'on appelle le moteur à piston rotatif NSU-Wankel, plus simplement appelé "moteur rotatif" ou "moteur Wankel", ou même "Wankel".

Un Wankel, comment ça marche ?

Jetons un oeil... Mais non, Dobeulyou, rattrape ton oeil ! Regardons donc ce moteur rotatif ouvert pour vous par moi-même. Comment, tu ne vois rien ? Ben attends que l'image se charge.

Comment, 150 Ko pour une image, c'est lourd ?!

Ca y est, c'est chargé ? Bon, regardons donc.

D'abord, je t'explique les couleurs. En bleu, on a de l'air, le même que tu respires quand tu y penses. Le gros machin noir vaguement ovale, c'est la partie externe du stator (la chemise dans un moteur classique). Il a deux trous en haut : à gauche, un trou pour que l'air rentre et, à droite, un trou pour que les gaz brûlés sortent. Oui, c'est ça, àgauche, ça vient du filtre à air, à droite, ça part vers le pot d'échappement. En bas, on trouve des bougies pour allumer les gaz et un injecteur (ce moteur est donc à injection, exactement). Le machin noir vaguement triangulaire qui tourne et qui te à guider le rotor. Enfin, le machin gris au centre, c'est l'arbre à excentriques, le vilebrequin si tu préfères, qui est relié au rotor. Le rotor a trois cotés et délimite ainsi trois chambres.

Suivons donc une chambre. Celle-là, tiens, attention, ne la rate pas !

L'angle du rotor passe le trou d'admission (ces trous, on les appelle des lumières). La chambre est donc connectée à la tubulure d'admission, c'est-à-dire celle qui vient du filtre à air, du turbo, du compresseur etc. Comme le rotor tourne, la chambre augmente de volume ; elle aspire donc de l'air extérieur. C'est l'admission, comme sur un moteur classique.

Maintenant, l'autre angle passe la lumière. La chambre que l'on suit est alors fermée, étanche. Mais ça continue à tourner et le volume diminue : l'air est donc comprimé. En fin de compression, l'injecteur s'ouvre (oui, je sais, il est moche) et le carburant est injecté dans la chambre. Le mélange se forme, tout prêt à exploser.

Ca tombe bien, c'est justement à ce moment-là, juste après la fermeture de l'injecteur, que les bougies s'allument ! Le mélange explose et, du coup, propulse le rotor. Les gaz prennent le plus de volume possible et, donc, poussent la chambre à s'agrandir, ce qui fait tourner le rotor. C'est la détente d'un moteur classique.

Enfin, le premier angle passe la lumière d'échappement, celle qui va vers dehors (ou éventuellement, vers un pot d'échappement et un collecteur de turbo, voire un silencieux et parfois un catalyseur quand on veut être propre et pas faire de bruit). Le piston, entraîné par son inertie, pousse les gaz dehors, ce qui va entraîner le turbo si on en a un. Quand la chambre revient à son point de départ, elle est quasiment vide et on a fait, miraculeusement, admission, compression, détente, échappement : le cycle classique de tous les moteurs thermiques !

 

Quelques remarques :

  • L'avantage évident de ce moteur, c'est sa simplicité. On trouve comme pièces, sur un Wankel de base : un stator (deux éléments : le guide intérieur et l'espèce d'ovale extérieur -- cette espèce d'ovale, on appelle ça un épitrochoïde, tu essaieras de placer ça dans la conversation, tu verras, c'est sportif), un piston, un arbre moteur, une bougie. Pour comparer, dans un quatre temps, on a : un cylindre, un piston, une bielle, un vilebrequin, une bougie, et l'entraînement de la distribution : deux soupapes, un arbre à cames, deux cames, une pignonnerie, une chaîne ou une courroie d'entraînement, plus éventuellement des culbuteurs, un deuxième arbre à cames, d'autres soupapes etc.

    Comme toutes les pièces ont un mouvement rotatif uniforme, il n'y a pas d'à-coups moteurs et peu de pertes d'énergie.

  • En revanche, on remarque que les angles pointus du piston frottent en permanence, donc s'usent rapidement. La parade consiste à y rajouter des pièces mobiles, dessinées sur notre schéma. Elles sont poussées vers l'extérieur par un ressort et la force centrifuge, ce qui permet de rattraper leur usure. Il faut juste ouvrir le moteur de temps à autres pour les changer.
  • Handicap aussi, la forme de la chambre en fin de compression. Au lieu d'un gentil cylindre, plus ou moins hémisphérique àun bout, comme dans un moteur alternatif classique, on a une forme allongée peu propice à une combustion uniforme. Cela rallonge la durée de l'explosion, ce qui est bon pour la souplesse du moteur, mais mauvais pour le rendement ; et, surtout, il est très difficile de brûler parfaitement les gaz. Il faut donc recourir à une post-combustion dans la tubulure d'échappement pour finir de brûler les gaz et éviter ainsi les gaz les plus nocifs ; on a également tendance à rajouter des bougies pour mieux brûler les gaz dans la chambre de combustion. La plupart des moteurs rotatifs ont deux bougies par rotor et certains, en particulier les moteurs de compétition, en ont trois, comme sur notre schéma.
  • Au final, la conclusion généralement tirée des différents moteurs rotatifs utilisés : ça marche du tonnerre, mais ça boit beaucoup. La GS birotor, seul exemple de voiture de série française à Wankel, avait un moteur d'un litre de cylindrée et développait une puissance comparable au 2,3L de la DS ; cependant, il était facile de lui faire boire plus de vingt litres aux cents bornes...

    Où trouver des Wankel ? Chez Mazda, la RX-8 est la seule voiture à moteur rotatif d'aujourd'hui. En occasion, on peut trouver des Mazda de tous modèles équipées de birotor (moteurs à deux rotors), depuis la Cosmo Sport de 1967 ; des NSU Ro-80 ; des Citroën M35 et GS birotor. Cette liste n'est pas exhaustive, mais peu s'en faut, et ces voitures sont rarissimes -- seules les Mazda RX-7 et la Ro-80 sont réellement trouvables.