Les citadins

J'ai passé ma jeunesse dans des maisons de bergers, loin de villages souvent minuscules. La plus grande agglomération dans laquelle j'ai habité jusqu'à dix-sept ans ne comptait guère que cinq cents habitants ; lorsque je suis arrivé pour étudier à Grenoble, j'ai donc découvert un univers absurde et étonnant. J'en nourris encore une méfiance, voire une haine vivace, de tout ce qui vient de la ville. L'air puant, les maisons ternes alignées bêtement, sans le moindre coin de verdure... Tout cela n'est rien à coté de la mentalité citadine. On évite de vous marcher dessus uniquement parce que l'on n'a pas pris le temps de voir si vous n'êtes pas une déjection d'un de nos amis quadrupèdes ; la considération que l'on vous porte est à rapprocher de ces étrons qui infestent les trottoirs. Je ne suis pas Amoureux de Paname, et ne le serai sans doute jamais, tellement je suis soulagé, à la fin de la semaine, de remonter dans ma montagne, dans mon patelin qui compte une cinquantaine d'habitants en quatre hameaux et un gros millier de brebis. Et à chaque fois que je remonte, je prends le temps de respirer à fond et d'apprécier la pureté de l'éther ; chose que l'on ne risque pas de faire dans la cuvette grenobloise !

Ils sont gris sombres comme leur ville
Ils sont tristes comme leur vie
Les citadins
Ils sont violents comme des teignes
Douloureux comme des châtaignes
Les citadins
En général ils sont muets
Comme leurs murs préfabriqués
Les citadins
Quand ils l'ouvrent c'est pour s'engueuler
Se battre comme des chiffoniers
Les citadins
Dans leur sale univers triste
La bagarre arrive vite
Entre citadins
Un vélo a osé rouler
Tout près du bord de la chaussée
Un citadin
Un taré automobiliste
Qui pouvait passer sans soucis
Un citadin
Descend aussitôt le traiter
De pinailleur ou de pédé
Un citadin
Il faudra qu'ils en viennent aux mains
Pour régler leur rogne du matin
Ces citadins
Un vélo a osé rouler
Sur un trottoir vide, libéré
Un citadin
Voilà qu'arrive une mémé
Qui va bien venir le faire chier
Une citadine
"Pouvez pas rouler sur la route,
Vous voulez m'écraser sans doute"
La citadine
C'est juste pour l'plaisir de faire chier
Elle, elle s'en fout, elle peut passer
La citadine
Vois, plus loin elle va traverser
La ligne de tramway sans regarder
La citadine
Bien sûr elle engueule le chauffeur,
Bien sûr elle le traite d'écraseur
Le citadin
Mais le chauffeur il s'en fout
De cet obstacle qui crie de partout
La citadine
Il attend juste qu'elle dégage
Pour pouvoir enfin prendre le large
Le citadin
C'est un incident de parcours
Il y en aura d'autres tous les jours
Des citadins
Il s'en fout, tous ils s'en foutent
Il fait ça pour gagner sa croûte
Le citadin
Tant qu'le soir il a à bouffer
Ca lui suffit pour la journée
Le citadin
Bien sûr comme tous il est morose
Les toulousains ont la ville rose
Pas c'citadin
Eux ils sont gris comme leur ville
Eux ils sont tristes comme leur vie
De citadins.