Tu m'excuseras mignonne
D'avoir pas pu marcher
Derrière les couronnes
De tes amis coincés
Parce que mon malheur
Eût été d'être là
Parmi ces gens en pleurs
Qui parlaient que de toi
En regardant leur montre
En ajustant leur veste
En ressassant la honte
Qu'ils ont de ton geste.
Petite conne,
Tu leur en veux même pas,
Tu sait que ces charognes
Sont bien plus morts que toi...
Tout ton univers
Etait fait de pantins
Qui se vautraient par terre
Et du soir au matin
Devant les décisions
Le bordel orchestré
De ministres à la con
De recteurs, de préfets
Dont nous rigolions
En disutant malins,
En tombant des canons
Ou en fumant des joints...
Petite conne,
On se moquait de toi,
Mais notre sourde grogne
N'a rien fait contre ça...
On se connaissait pas
Aussi excuse-moi,
J'ai pas chialé ce jour-là,
Lorsque tu décédas,
J'ai pensé à l'enfer
D'un long cri s'étranglant
Et prévenant ta mère
A l'autre bout d'l'appartement
J'aurais voulu lui dire
Que la faute incombait
Au meilleur ou au pire
De notre société
Petite conne
Nous sommes tous responsables
Nous autres les hommes,
Riches ou misérables...
Mais t'aurais-je connue
Que ça n'eût rien changé
Petite enfant perdue,
Tu m'aurais rejeté.
Moi j'aime le silence
Bien autant que le bruit
Et lorsque je pense
Au fait d'être en vie,
Je dis "quel intérêt
A être sur cette planète,
Si c'est pour s'engueuler
Ou pour se prendre la tête ?"
Petite conne,
c'est oublier que toi
T'étais là pour personne
Et que personne était là..
Tu m'excuseras mignonne
D'avoir pas pu pleurer
En suivant les couronnes
De tes amis coincés
Parce que c'est à l'heure
Ou tu te suicidas
Que ton malheur
Sur nous tous retomba
C'est la fin de tes pleurs
Qui nous a plongés
Au fond de la douleur
Que tu avais quittée
Petite conne,
Allez, repose-toi
Ecoute les cloches sonnent
Jusque dans l'au-delà...
Merci à monsieur Renaud Séchan pour avoir fourni -- bien involontairement -- l'architecture de ce poème.